Décharges de responsabilité – savez-vous réellement ce que vous signez?


Chaque année, nous sommes plusieurs coureurs de tous niveaux à prendre d’assaut les divers parcours de courses à obstacles du Québec et partout ailleurs. Comme vous le savez déjà, il est pratiquement impossible de prendre part à l’une ou l’autre de ces courses sans avoir signé une décharge de responsabilité au préalable. Mais avez-vous déjà pris la peine de vous arrêter et bien lire ce que celle-ci mentionne? Est-ce que vous comprenez réellement ce que celle-ci implique?

Pourquoi j’aborde ce sujet aujourd’hui? Bien parce qu’en ce moment, une poursuite de plusieurs milliers de dollars a été intentée à l’endroit de la Société canadienne de la Sclérose en Plaques, pour un accident survenu lors de la course Totale Bouette de 2013. Malgré qu’elle avait signé cette fameuse décharge, Mme Patricia Lévesque a tout de même décidé de trainer l’organisation devant la justice pour la coquette somme de $98 635.00.

Un retour sur l’incident

Pour ceux qui ne sont pas au courant des faits, voilà ce qui est arrivé lors de la Totale Bouette de 2013 :

Alors que Mme Lévesque participait à la course comme plusieurs autres coureurs de tout acabit, celle-ci s’est blessée en faisant une chute de plus de 12 pieds en bas d’une structure métallique du 29e obstacle de l’organisation. Celle qui avance « avoir été poussée » par un autre participant et que la structure de l’obstacle « n’était pas sécuritaire » est alors tombée au sol, se fracturant ainsi l’épaule droite. Dans sa requête en justice, la plaignante écrit qu’il n’y avait « aucune bordure de protection ni élément protecteur au sol » afin de prévenir et amortir la chute.

Patricia Lévesque, qui est avocate de profession, écrit également dans sa déclaration, qu’une « longue plaie s’est ouverte et que l’hémorragie a commencé ». Elle affirme ensuite qu’elle ne ressentait plus le bas de son corps et a même craint de rester paralysée.
Pour ajouter à la problématique, la demanderesse reproche à l’organisation de la Totale Bouette de ne pas avoir mis en place de mesures adéquates en cas d’accident et que les secours soient arrivés près de 15 minutes après l’incident. Elle ajoute que les ambulanciers ont même mis près de 30 minutes à arriver sur les lieux, reprochant par le fait même à l’organisation de ne pas avoir tout mis en place afin de faciliter l’accès aux services de secours.
(version de la plaignante, la Société canadienne de la Sclérose en plaques n’a pas communiqué sur le sujet)

Et vous, que feriez-vous?

En prenant connaissance de cette poursuite, j’ai immédiatement eu quelques questionnements. Soyons francs; la majorité d’entre nous participe à des courses à obstacles et signe ces fameuses décharges les yeux presque fermés. Si vous faites partie des gens qui prennent réellement le temps nécessaire de lire la décharge et de l’analyser de fond en comble, je vous lève mon chapeau et je vous félicite de le faire. Mais je serais curieux d’avoir un don magique afin de pouvoir calculer le nombre de coureurs qui le font.

Je n’ai pas fait de recherches exhaustives, mais en jetant un œil sur la façon que les gens signent les décharges lors des différents évènements de courses à obstacles, je serais porté à affirmer que facilement plus de 40% des gens le font sans avoir réellement pris connaissance du contenu de celles-ci.

Sommes-nous un peu trop désinvoltes et inconscients face à nos responsabilités? Avez-vous déjà pensé deux minutes à ce qui pourrait se passer si vous vous blessiez gravement lors d’une course? Avez-vous déjà considéré prendre des assurances spéciales pour faire certains de ne pas vous retrouver dans de beaux draps dans l’éventualité d’un accident grave en CàO?

Honnêtement, je suis le premier à avouer que non et après avoir pris connaissance du cas de Mme Lévesque, j’avoue même me trouver un peu irresponsable de ne pas mieux m’informer ou mieux me protéger des potentielles mauvaises conséquences d’un incident fâcheux lors de mes courses. Et malheureusement, je crois que je ne suis pas le seul dans cette situation.

Sans devenir paranoïaque, je crois que je prendrai probablement quelques instants pour lire le contenu des décharges et faire en sorte de bien comprendre ce qu’elles impliquent. En gros, nous savons tous que les organisations se « déchargent » de certaines responsabilités en plaçant celles-ci entièrement dans les mains des participants. Mais à quel degré est-ce valable devant une cour de justice?

Craindre « Un précédent »

Le cas de Mme Lévesque pourrait très bien créer un précédent qui risque fort d’avoir un impact de taille dans notre sport si celle-ci a gain de cause en cour. Cela voudra alors dire que les décharges n’offrent pas réellement de protection pour les organisations et que celles-ci seront potentiellement responsables de tout type d’accident lors de leurs évènements. L’issu de cette poursuite risque également d’avoir un effet à double sens pour notre sport, car certaines organisations auront peut-être tendance à déclarer forfait devant de tels risques de poursuites, alors que d’autres pourront se permettre de se munir d’assurances protégeant les participants.

À mon avis, il y a très peu d’organisations ayant les reins assez solides afin de se munir de telles protections en béton. Si j’analyse le cas de la Totale Bouette de 2013, l’organisation aurait certainement un sérieux coup de poing en plein visage s’il fallait qu’elle doive débourser les 98 000$ réclamés dans la poursuite. Pour donner une idée, la TB 2013 avait réussi à amasser 140 000$, ces fonds étant essentiellement injectés dans la recherche pour trouver un remède contre la sclérose en plaques. Étant une OBL, l’organisation de la Totale Bouette est obligée de faire un minimum de 70% de profit pour exister.

Si vous êtes un coureur habitué du domaine des courses à obstacles, vous avez sûrement une bonne idée de comment il est difficile pour les organisations de réussir à proposer des évènements de CàO de grande qualité, surtout au niveau des obstacles qu’ils proposent. La majorité des organisations plus petites peinent à offrir des obstacles que l’on pourrait qualifier de « professionnels » tels que Platinum Rigs et autres du genre, par manque de moyens. Très souvent, les obstacles sont fabriqués avec les moyens du bord.

En fin de compte, est-ce que les organisations doivent craindre l’issu de la poursuite que subit en ce moment la Société Canadienne de la Sclérose en Plaques pour l’incident de la Totale Bouette de 2013? Je pari que plusieurs personnes dans l’industrie des courses à obstacles sont déjà à analyser la situation avec leurs avocats afin de s’assurer de ne pas se retrouver dans la bouette jusqu’au cou.

Personnellement, j’ai toujours cru que le fait de signer une décharge de responsabilité voulait dire que je m’engageais totalement à m’exposer aux risques que peuvent contenir les évènements et sports considérés comme « extrêmes » et d’être seul responsable des conséquences. Mais lorsqu’on s’y arrête un peu plus, c’est vrai que ça porte à y réfléchir. Est-ce que j’arrêterai de participer aux courses à obstacles pour autant? Je ne croirais pas, mais porterai probablement un peu plus attention à comment j’approche certains obstacles afin d’éviter les blessures.

Soyez prudents!

À tous ceux et celles que je vois dévaler les pentes à pleines jambes comme si vous étiez invulnérables, je vous souhaite de ne jamais vous blesser. Car personnellement, je pense qu’il est mieux de finir la course sur ses deux jambes qu’à l’hôpital à réfléchir sur la façon que vous réussirez à vivre par la suite si votre état vous empêche de travailler et d’avoir votre revenu habituel.

Ce texte ne constitue nullement un cri alarmiste, mais bien un appel aux coureurs afin de vous porter à réfléchir sur ce qu’implique réellement une participation à un évènement de sport à risques. En sommes-nous tous réellement conscients et à quel degré? Ça, c’est à chacun d’entre nous d’y répondre! Sur ce, bonnes courses et soyez prudent mes confrères et consœurs! J’aimerais bien vous revoir sur les parcours pour la saison 2017!

Tags: actualité décharge

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