L’apocalypse est ici! – Dead End Race Apocalypse 12 km


Journal personnel, 16 juillet 2017

Ça y est, c’est l’apocalypse… Avant, j’étais enseignant. Je menais une vie tranquille. Les choses étaient simples…

Maintenant, le monde a changé. Pour survivre, nous avons dû nous adapter. Je ne suis plus un enseignant dans ce monde apocalyptique; je suis un coursier d’élite (dit-on plutôt coureur élite? Non, je vais dire coursier c’est plus classe). Comme coursier, je dois porter des denrées essentielles à divers camps de fortunes. Je ne suis pas seul. Nous sommes des centaines à faire ce boulot dangereux.

Nos employeurs estiment que notre taux de succès est meilleur lorsque 50 coursiers se lancent en même temps (50 élites à la fois, en deux vagues). Certains n’apprécient pas cette division de nos consœurs et confrères. Ils jugent que cela rend impossible la tâche de juger de sa propre progression par rapport aux autres dans le groupe.

Bref, nous, nous devons courir avec notre sac de 25 lb (femmes) ou 35 lb (hommes) sur l’épaule. C’est un sac précieux! Nous ne devons pas le perdre. C’est le nôtre. Nous devons arriver à notre destination avec le nôtre. D’ailleurs nous devions l’identifier clairement. À l’intérieur, il y avait notre butin. Notre très précieux butin…

À l’heure prévue, l’homme au micro nous conviait dans la fosse de départ. Une fois la première vague de coursières et coursiers élites envoyée, je descendis à mon tour dans la fosse. Là, notre motivateur exceptionnel (Anthony Horng) nous proposa un moment de réflexion. Il nous rappela pourquoi nous étions là; pour notre dépassement personnel, pour accomplir notre mission intérieure, pour aller plus loin que nos propres limites. Ce court moment de réflexion fut abruptement interrompu par le son strident de la sirène, le signal de notre départ imminent!

Avant même d’en être totalement conscient, j’étais lancé à la course. Épaule à épaule avec mes camarades, chargés de nos précieux sacs, nous nous lancions sur un sentier dangereux. Rapidement je reconnus l’endroit; nous étions dans ce qui avait jadis été un opulent terrain de golf. À quelques endroits, je pouvais encore reconnaître les sentiers asphaltés pour les voiturettes et les petits ponts de bois blanc qui engendraient des étangs bucoliques. Aujourd’hui par contre, les sentiers s’effritent par gros morceaux et les petits ponts ne chevauchent que des eaux boueuses et sales. Là où, à une autre époque, le gazon luxuriant et verdoyant s’étendait paisiblement, maintenant il n’y avait que sable et glaise boueuse. Un décor approprié à la tâche. Un décor apocalyptique!

Cependant, nous, coursières et coursiers, n’avions pas le luxe d’apprécier les lieux. Nous avions les entrailles serrées par l’appréhension de ce qui nous attendait sur notre parcours : nous savions trop bien que des malfrats, des brigands, des truands bénévoles nous attendaient à chaque détour! Nous savions également qu’ils avaient installés de vicieux obstacles pour nous ralentir, voir même nous éliminer!

Parmi ces obstacles, nous avons dû affronter des défis aquatiques tels que marcher dans la rivière radioactive tout en transportant le double de nos charges. À d’autres endroits, nous devions carrément plonger dans les eaux glaciales pour se faufiler sous des grillages d’aciers. Pire encore, on nous obligeait, tels des pirates, à marcher la planche et se lancer à l’eau. Mais sans aucun doute, le pire des obstacles (ou le meilleur, selon le point vu) a été la grande glissade! Nous glissions à une telle vitesse que nous n’avions d’autre choix que de rire et hurler de joie… euh je veux dire hurler de peur, c’est ça, de peur. Enfin, la plus vile des épreuves nous attendait dans un étang d’apparence paisible. Tout au milieu du plan d’eau se dressait une structure d’acier orange (cette couleur me donne encore des frissons). Conçu par l’esprit machiavélique et tordu du seigneur de l’obstacle, le très célèbre PlatinumRig Dom! Je vous épargne les détails sordides, mais je vous dirai ceci; il y avait bon nombre d’anneaux, de barres horizontales (largement espacées) et… de poulies! Je n’en ai pas été directement témoin, mais j’ai su de source fiable (merci Liam) que plusieurs coursières et coursiers durent renoncer à leur course à cet endroit…

Évidemment, nous n’avions pas que des obstacles aquatiques, les obstacles terrestres étaient tout aussi menaçants! Je suis persuadé qu’aucun de mes consœurs ou de mes confrères n’oubliera le saut de la mort. Épreuve qui en a ralenti plus d’une et d’un. Les braves qui ont su, ici, surmonter leur peur sont aujourd’hui récompensés par la fierté de la réussite.

Lorsque nous croyions avoir tout vu, lorsque nous croyions avoir tout réussi, au détour d’un bloc de béton, nous arrivions face à face avec l’ultime, le gigantesque, le titanesque warped wall! Né des efforts acharnés des équipes de construction du puissant Maître de l’apocalypse, Brian Townsend, ce mur de 16 pieds de haut (sur une structure de 26 pieds de hauteur) se dressait telle une palissade infranchissable! Il n’y avait pas de détour possible, il fallait réussir. Sous les encouragements des masses et surtout avec les précieux conseils d’un certain Pierre Brunette, plusieurs affrontèrent et réussirent à franchir ce monstre! Mais attention, il n’a pas dit son dernier mot. Certains malheureux perpétuent la rumeur que cette monstruosité serait transportée vers un autre lieu… une certaine montagne bleue… pour ainsi trôner dans un nouveau parcours… (OCRWC)!

Il est possible que ce soit dû à l’effort ou encore la chaleur, mais j’eus la nette impression d’avoir fait ce parcours apocalyptique deux fois (13,8 km total selon ma Garmin), dont la moitié en transportant mon butin (de 35 lb). Heureusement que le parcours ne comportait pas de montées ou de descentes importantes.

Finalement, nous, coursières et coursiers, avons dû lutter avec acharnement afin d’atteindre la fin. Que ce soit avec la lance, l’arc à flèche ou le fusil (à balles de peinture), nous avons eu à atteindre nos cibles à chaque fois. Nous avons dû ramper, grimper, nager en conservant l’objectif ultime en tête : atteindre la fin et mériter notre butin, tout en espérant que notre course n’en soit pas une vers un cul-de-sac… pardon, une Dead End Race!

Avant, j’étais enseignant. Je menais une vie tranquille. Les choses étaient ennuyantes… Vivement l’apocalypse!
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J’espère que vous avez apprécié ce récit de course un peu plus… coloré qu’à l’habitude. Cette fin de semaine Dead End Race a été incroyable et certainement une des plus belles courses à obstacles de l’année. Merci à Brian Townsend et toute l’équipe de Dead End Race Series pour cette course incroyable et toujours plus novatrice. Merci à PlatinumRig Dom pour des défis classiques (rig et et samurai) ainsi que les nouveautés (monkey bar pivotant, rig aquatique). Merci à Isabelle Messier et son armée de bénévoles assidus sans qui nous n’aurions simplement pas de course!
Si vous l’avez manqué, il vous reste une chance de vous mettre à l’épreuve le 7 octobre prochain avec l’édition Dead End Race Stadium.
P.-S. Les curieux me poseront la question : « Il y avait quoi de si précieux dans votre sac? »… Mais la médaille voyons!

Une chronique de Jonathan Redmond
Crédits photos Darryl Fallon

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